Définition
La propagande est un concept désignant un ensemble de techniques de persuasion mises en œuvre pour propager, par tous les moyens disponibles, une idée, une opinion, une idéologie ou une doctrine et pour stimuler l’adoption de comportements au sein d’un public cible. Ces techniques sont exercées sur une population afin de l’influencer, voire de l’endoctriner. La propagande peut utiliser la publicité, car cette dernière vise à modifier des choix, des modèles de société, des opinions et des comportements. La publicité utilise des techniques semblables à celles utilisées par la propagande. Nonobstant la similitude de certaines de leurs caractéristiques, les liens entre propagande et publicité sont largement discutés.
Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Propagande
Lors d’une discussion avec un ami il s’est avéré que mon métier dans mon entreprise ressemble fort à un travail de propagande ou du moins de mise en place de la propagande.
Quel est mon métier?
Mon métier c’est de permettre la diffusion des contenus produits par un média de service public. Sur toutes les plateformes possibles, pour toucher un maximum de publics, afin de réaliser la mission de service public.
Mais dans mon jargon on parle d’ « économie de l’attention ». Ça vous dit quelque chose?
Je vais utiliser une parabole, une image ici, même deux images différentes mais la deuxième plus tard.
Si l’attention était une quantité mesurable, ce serait un petit tas de jetons, chaque son, lumière, action autour de nous, si l’on y prête de l’attention consommerait un ou deux jetons de ce petit tas. Si plusieurs choses se passent en même temps avec notre petit tas de jetons, il s’épuise vite. Pour finalement être « vide ». A ce moment là nous ne pouvons plus porter d’attention à quoi que ce soit. Nous avons épuisé notre tas de jetons d’attention.
Ça arrive souvent qu’on interagisse avec un enfant et qu’il n’écoute pas ce qu’on dit, on peut considérer que l’enfant qui joue, qui regarde un dessin animé utilise tout son tas de jeton pour son activité et n’a plus de jetons à nous accorder.
On peut voir ça aussi chez l’adulte qui conduit, souvent lors d’un accident, on se rend compte de la perte d’attention qui précède: « je réglai le son de la radio », « mon téléphone à sonné », « j’ai pas vu le piéton qui a soudainement traversé »… Parce que son tas de jetons est épuisé. Épuisé par le téléphone qui sonne, le décor, les pensées, les tracas, de la charge mentale…
C’est une façon de voir l’ « économie de l’attention ».
Objectifs à atteindre et économie de l’attention
Pour toucher un maximum de publics on mesure le nombre de personnes touchées (appelé Reach en anglais) mais également le temps passé avec le moyen de diffusion des marques qu’on représente (téléphone, télévision, radio, pc…) et la fréquence d’utilisation.
L’objectif serait que le public utilise 10 fois par jour un produit pour se tenir informé par exemple, y passe 2h de leur journée et que ce public représente 100% de la population. C’est un objectif très ambitieux. Pensez au temps que vous passez devant la télé pour les vieux ou devant votre téléphone pour les vieux et les moins vieux. Et additionnez chaque minute passée sur un produit ou avec une marque.
Je donne un exemple: Si la marque est Honda, vous êtes sans doute amateur de moto et donc vous devez regarder des vidéos sur youtube mais également poster des photos ou partager des messages à propos de votre Honda sur Facebook, Instagram … Et parfois vous suivez une info ou regardez des communications liés à la marque sur leur site ou application.
Vous aurez passer 15 minutes en moyenne par jour sur youtube avec la marque ou avec des « influenceurs » qui représente la marque, probablement une news sur le site de honda par semaine (5 minutes) et 2-3 posts vu par jour sur Facebook et Instagram.
Le reach est de 1 (vous) le temps passé par jour est de 15+5 minutes/7 (1 semaine / site de la marque)+ 5 minutes (Facebook & Instagram) => 21 minutes/jour de « temps passé » et enfin une fréquence de 4,1 (Youtube 1 + Facebook 3 + 1/7 site).
Si on devait mettre un point il serait en coordonnée (0,00001 %; 0,34 h; 4,1) mais vous n’êtes pas tout seul à avoir ce comportement, ceratain viendront plus souvent, d’autres moins, certain passeront plus de temps sur youtube d’autres moins. Alors on regroupe les individus par similitude et on mesure en fonction des profils similaires les évolutions de reach, de fréquence et de temps passé.
Par conter si on pense à une marque comme Facebook, Twitter à l’époque, Youtube, Instagram ou TikTok en 2022 … ces chiffres de 10x/jour, 2h/jour et 100% de la population peuvent être proche de la réalité.
Comment mesurer les objectifs dans le cadre d’un service public?
Lorsqu’on parle d’un service public les chiffres ne peuvent pas être les mêmes pour deux raisons. Un service public doit protéger les gens contre une consommation excessive et « maladive », on y reviendra, un service public utilise d’autres plateformes pour partager son contenu et ne diffuse pas du contenu généré par les utilisateurs eux-mêmes (contrairement à youtube, facebook, tiktok…) , mais bien par des producteurs, des réalisateurs, des journalistes, des « créateurs de contenus » finalement. Ces créateurs de contenus sont choisi pour leurs valeurs et leurs compétences en accord avec les objectifs du service public.
Si le service public à une mission de propager les valeurs d’une société alors mon métier reviens à maximiser la consommation des messages communiqués par un gouvernement, une société vis-à-vis de son public.
C’est une grosse responsabilité et des choix extrêmements rigoureux qu’il faut poser. Des règles éthiques et déontologiques. Des limites à fixer.
C’est une bataille permanente et peut-être ce qui fait la différence avec une propagande quelconque ce sont les limites qu’on se fixe par respect pour ses propres valeurs. Ces valeurs qui nous ont construit, celles de notre éducation, de notre famille, de notre culture.
Mais forcément ça crée des biais, on va avoir tendance à penser que ce qui nous à construit est juste et que c’est ça qu’il faut garder. Ou si on est plus rebelle, on va essayer de déconstruire ce qui nous a construit pour un autre idéal.
C’est pour quoi c’est nécessaire de pouvoir se reposer sur des chiffres, des études et des interactions réelles avec les gens et toujours s’autoriser à remettre tout en question et accepter de changer complètement d’avis.
C’est un travail qui demande énormément de recul, comme si on observait tout ce petit monde qui s’agite depuis un hélicoptère très très haut, ou comme si l’on observait notre espèce depuis une autre espèce.
C’est également là qu’il faut aussi régulièrement reprendre pied dans cette population, accepter d’en faire partie, accepter les biais, les reconnaître et les comprendre, les embrasser, les faire sien pour pouvoir les dépasser.
C’est indispensable de changer souvent de chaussure, de vivre dans les chaussures des autres, de ceux qu’on observe.
C’est également indispensable de comprendre leur psychologie, leur sociologie, leur modèle économique de toute les économies, y compris l’économie de l’attention.
Nous arrivons maintenant à la deuxième parabole, image, celui qu’on peut appeler parfois Dark UX ou qui renforce, qui nous renforce dans ce qu’il y a de moins intéressant pour nous selon la société dans laquelle on évolue.
Un autre point de vue sur l’économie de l’attention
Je parlais de l’attention comme d’un petit tas de jetons disponible. Ce qui est l’économie de l’attention.
Mais on peut en parler différemment. Et on peut imaginer plus singulièrement l’attention comme un mécanisme biologique nous permettant d’interagir avec notre environnement qui est donc influencé par l’écosystème et la temporalité de celui-ci.
Si nous étions des cellules primaires simples on pourrait dire que notre attention est à la survie et donc les échanges gazeux pour permettre la production et le stockage d’énergie et les échanges de matières qui permette de nous construire et nous recycler en permanence.
Toute perturbation à ces fonctions primaire captiverai notre attention pour nous permettre de revenir à nos fonction primaires.
C’est là qu’on se rend compte de certain mots, ici choisi à dessein: Perturbation.
Ce qui nous empêche de respirer, se chauffer, se nourrir, se reproduire… est une perturbation.
Les organismes avec l’évolution on même créé des mécanismes complexes qui font réagir notre cerveau en cas de perturbation afin de prévenir et d’anticiper tout accident, inconfort.
Un animal dangereux, du feu, des bruits violents, un feu rouge, un cri… crée un mécanisme de stress qui doit être résolu au plus vite par une réaction rapide pour nous remettre sur un chemin d’équilibre qui nous permet de nous reconcentrer sur la tâche qui nous permet de répondre à nos besoins primaires.
C’est ici que la notion d’excessive ou de « maladive » entre en compte.
Lorsque nous recevons un coup de téléphone (comme le nom est bien choisi) une notification (sonore, visuelle, vibrante…) le mécanisme de protection se met en place pour nous permettre de revenir à notre tâche principale. Comment nous le résolvons: en allant voir le message, en lisant le résumé, en appuyant sur mute, en retournant le téléphone … et parfois ce qui nous est présenté suscite de l’intérêt. On va alors vouloir en savoir plus.
Vous avez déjà vu ces titres ou ces images assez bien choisi qui vous invite à consommer le contenu:
« Vous n’allez jamais croire à ce qui lui est arrivé! » – « Incroyable!!! » – « Gratuit! Pendant 15 jours »…
Au début de l’article, dans la définition, on parlait de stimuler l’adoption d’un comportement.
Les jeux à cliquer ou les pages à scroller utilisent ce principe également mais de manière encore plus primaire que les titres et donc encore plus subtile pour nous. Il renforce nourrissent le petit monstre insatisfait qui veut résoudre l’inconnu qu’il a devant lui et aller jusqu’au bout… mais il n’y a pas de bout. Et lorsque le bout est atteint ou que l’ensemble des jetons est consommé, le système s’adapte … attend un petit peu et repart de plus belle après 1 jour ou 2 … selon votre type de personnalité.
Conclusions
Alors oui je reconnais que ça correspond à la définition de la propagande. Et je l’assume parce que c’est selon moi une « propagande » qui défend des valeurs nobles à mes yeux: la démocratie, l’éducation, la culture… Je pense que j’aurai plus de mal à faire ce boulot dans d’autres conditions ou pour des marques moins engagées sociétalement.
Je vais terminer par un dernier exemple qui va symboliser une part du désespoir et du contexte dans lequel nous nous trouvons.
Le problème de la sur-pêche.
Pour que les poissons se reproduise et puisse être assez gros, il faut absolument limiter la pêche dans certaines zone, à certaines saisons, certaines années parfois.
Lorsqu’un pays choisi de limiter, il vérifie au port ou en mer ce qui est pêché et confisque les licences, ou les bateaux et fait payer des amendes en cas de non respect.
C’est très bien, les poissons peuvent se reproduire et on a de nouveau les années suivantes de gros poissons et en quantité suffisante.
Arrive alors dans les eaux de pêches des bateaux d’un autre pays. Ce pays n’a pas la même législation que le nôtre … et eux ils pêchent à d’autres moment. Lorsque c’est le tour des pêcheurs de notre pays il n’y a plus de gros poissons. Les pêcheurs sont dégoûtés! Ils commencent à ne plus suivre les règles.
Vos temps de cerveau ce sont les poissons, si on veut votre attention bien pleine et bien remplie on doit pouvoir l’utiliser de manière intelligence en vous laissant tout le temps nécessaire pour revenir avec une attention bien disponible. Mais d’autres ne prennent pas le temps de vous laisser réfléchir ou recharger votre niveau d’attention et profite de chaque petite goutte disponible pour venir la consommer. Au total tout le monde y perd mais certain perdent moins et travail à une tellement grande échelle qu’à la fin ils y gagnent.
Là dessus je vous laisse méditer et je suis tout à fait disponible pour revoir cet article et l’adapter avec vous selon vos réactions et points de vues si il me font changer d’avis.